L’industrie de la relation client est à l’aube d’un bouleversement majeur. Depuis plus de trente ans, son modèle repose sur des centres d’appels internalisés et externalisés, des cadences et des indicateurs de performance exigeants et des contrats de service facturés au volume ou au succès. Mais l’irruption de deux innovations, le protocole AP2 lancé par Google pour faciliter l’interopérabilité des paiements, et la montée en puissance du AI commerce, pourrait reconfigurer en profondeur cet écosystème.
Demain, un consommateur pourra rémunérer directement un téléconseiller, à la minute ou même à l’interaction, via un micropaiement effectué par carte bancaire, portefeuille digital ou blockchain. Cette évolution promet de faire émerger une économie radicalement nouvelle, fondée sur la décentralisation et l’hybridation entre intelligence artificielle et accompagnement humain.
Micropaiements et AI commerce : la naissance d’un modèle inédit
Jusqu’ici, les centres de relation client reposent sur un principe simple : l’entreprise paie pour la disponibilité d’agents qui incarnent sa marque auprès du consommateur. Or, avec l’essor des solutions de micropaiement, désormais standardisées et interopérables grâce à AP2, un autre schéma devient possible : c’est le consommateur qui finance directement l’interaction dont il bénéficie.
Besoin urgent d’une assistance technique ? Un paiement instantané débloque la mise en relation sans file d’attente avec un expert certifié.
Souhait d’obtenir une prise en charge personnalisée au-delà des scripts automatisés ? Le client peut “tiper” son conseiller, comme il le ferait pour un chauffeur VTC ou un créateur de contenu.
Interaction simple résolue par un agent conversationnel ? Aucun coût. Mais une bascule vers l’humain devient une option payante, à la discrétion du consommateur.
Ce modèle inaugure une logique de marché où la valeur perçue de la relation client devient directement monétisable, modulée par l’urgence, la compétence ou la rareté du conseiller.
Et transformera la relation en un centre de profit pour l’écosystème à naître des « auto-conseillers » à contrario d’un centre de coût pour les entreprises.
Centres de relation client : vers une plateformisation des conseillers
Ce renversement économique transforme le rôle même des conseillers. Là où ils étaient salariés ou sous-traitants, ils pourraient devenir freelances de la relation client, disponibles sur des plateformes ouvertes, rémunérés au service rendu et noté par leurs « clients »
Le parallèle avec les plateformes de mobilité ou de livraison est frappant :
Le conseiller choisirait ses créneaux, son portefeuille de marques et ses spécialisations.
Les entreprises bénéficieraient d’un vivier mondial, élastique et qualifié.
La rémunération, variable, serait indexée sur la satisfaction et la fidélité des clients.
Ce scénario introduit aussi des questions sociales et juridiques : statut des travailleurs, protection sociale, gestion de la qualité et de la confidentialité. Mais il correspond à une tendance profonde : l’individualisation et la désintermédiation du travail de service.
Défis technologiques : sécurité et accès contrôlé aux données client
Cette mutation n’est envisageable que si des solutions robustes garantissent la protection des données. Donner accès à un freelance externe à l’écosystème de l’entreprise nécessite des outils capables de :
Connecter plusieurs CRM de manière unifiée et sécurisée ;
Limiter les droits d’accès en temps réel, au strict nécessaire pour traiter une interaction ;
Assurer une traçabilité totale des consultations de données sensibles ;
Offrir une compatibilité avec les réglementations en vigueur (RGPD, IA Act, etc.).
Des architectures de “data rooms éphémères” ou de “contrôles d’accès dynamiques” deviendront indispensables pour permettre cette ouverture tout en protégeant le capital le plus précieux des entreprises : la confiance de leurs clients.
Hybridation Bot / Humain : le nouveau continuum relationnel
Dans ce futur émergent, l’interaction ne sera plus binaire – bot ou humain – mais hybride et graduée.
Les bots gèreront l’essentiel : FAQ, demandes simples, transactions standards.
Les humains interviendront en escalade, mais aussi en accompagnement de valeur : pédagogie, empathie, résolution créative.
Les deux coopéreront dans un modèle agentique où l’IA agit comme copilote, guidant le conseiller, enrichissant ses réponses, et automatisant les tâches répétitives.
Cette hybridation pourrait redonner ses lettres de noblesse au métier de conseiller, moins centré sur la répétition et plus sur la valeur ajoutée humaine.
Anticiper la révolution à l’intersection IA – relation client – paiements
Dès 2017, ViaDialog a confié à une équipe d’étudiants en Master à l’université de Fordham à New York, un travail de recherche sur l’adoption des blockchain dans l’industrie de la relation client et à l’été 2022, avec Gil Monin, nous avons partagé notre vision de ce que pourrait devenir l’industrie en adoptant les micropaiements pour les interactions clients.
Depuis, la rencontre entre IA, paiements de nouvelle génération et relation client annonce un futur qui sera profondément transformé. Le protocole AP2 ouvre la voie à une standardisation mondiale des micropaiements, l’AI commerce redéfinit la valeur des interactions, et la décentralisation des talents remet en cause le modèle des centres de relation client.
Les entreprises qui sauront anticiper cette révolution, en expérimentant dès aujourd’hui des solutions hybrides, en sécurisant l’accès à leurs données et en imaginant de nouveaux modèles économiques, prendront une longueur d’avance.
Car une évidence s’impose : la relation client de demain ne sera plus seulement un centre de coûts, mais un véritable marché, où humains et intelligences artificielles co-construiront de la valeur qui sera monétisée à chaque nouvelle interaction.

Article rédigé par Jean-David Benichou, Founder & CEO de ViaDialog